«Mon papa part en mission à l'étranger...» : le témoignage poignant d'un officier français
Un officier français dévoile un aspect méconnu des missions opérationnelles de nos soldats : le déchirement du départ pour les familles.
Photo d'illustration. |
Un officier français dévoile un aspect méconnu des missions opérationnelles de nos soldats : le déchirement du départ pour les familles.
La sécurité des militaires français envoyés à l'étranger, et de
leurs familles en France, exige que ce témoignage reste anonyme. En
effet, des menaces sont régulièrement proférées contre nos soldats sur
les réseaux sociaux.
Chloé l'a bien compris. Son papa s'en va.
Elle lui a fait un dessin et récupéré une vieille boîte de bonbons au
miel qu'elle lui a donné «pour son voyage». Elle a quatre ans seulement,
mais c'est la deuxième fois que son père, militaire dans une unité
opérationnelle de l'armée de Terre, quitte la maison pour une mission de
plusieurs mois. Bien sûr, son papa est souvent absent. Il part
régulièrement s'entraîner plusieurs semaines sur des camps de manœuvre.
On a du mal à l'avoir au téléphone (ça ne capte pas toujours bien) mais
on sait qu'il n'est pas loin. Idem pour les missions Sentinelle, où Papa
part à Paris pour protéger la population contre les terroristes. Mais
là, c'est une autre affaire: quatre mois, ça fait 120 dodos, lui a dit
Maman. Il ne sera pas là à Noël, ni pour son anniversaire.
Léo, lui, gazouille dans son transat. À 14 mois, on dirait
qu'il ne se rend pas compte. Mais quand son père l'a pris dans les bras
pour lui expliquer qu'il partait, il l'a regardé drôlement et a tout
écouté. Avec cet air sérieux et inimitable qu'ont les bébés, parfois.
Mais
c'est Lucas qui a le plus de mal. À huit ans, c'est le quatrième départ
qu'il encaisse. La dernière fois son père était parti six mois
d'affilée. Alors quatre mois d'absence, ça a l'air facile. Sauf que pour
Lucas c'est de plus en plus dur. En grandissant, il comprend que son
père va prendre des risques et qu'il peut lui arriver quelque chose. À
l'école il a entendu parler d'attentats au Proche-Orient. Même si Papa
lui a expliqué qu'en mission les soldats ont des gilets pare-balles et
des fusils pour se défendre, Lucas n'est pas rassuré. Ça fait plusieurs
soirs qu'il pleure sous sa couette, en serrant ses peluches dans ses
bras.
Six heures du matin. Tout le monde est debout pour dire au
revoir à Papa. Même le bébé qu'on a tiré du sommeil. C'est important
qu'il voie partir son père, c'est la psychologue qui l'a dit. Les sacs
sont dans l'entrée, on a du mal à parler. Chloé agrippe son père, Lucas
est blotti sur le canapé, Léo pleurniche car il veut son biberon. Debout
dans le salon, Julie essaie de ne pas trop penser à tout ce qui
l'attend. Elle sait que dès que son mari aura passé la porte, le poids
des responsabilités va peser plus lourdement sur ses épaules. Les
impôts, la crèche, les courses, la voiture qui tombe en panne, le
lave-linge qui fuit, les enfants perturbés à l'école, les pleurs, les
doutes, elle va devoir s'occuper de toute seule. Elle se console en
pensant à Estelle, son amie infirmière dans l'armée. Elle aussi vient de
partir pour quatre mois, en Afrique, en laissant derrière elle ses deux
enfants et son compagnon.
Partir en mission fait partie de l'ADN des militaires
français. Ils sont prêts en permanence à tout quitter pour servir leur
pays aux quatre coins du monde, là où le devoir les appelle. Quitte à
sacrifier ce qu'ils ont de plus cher. Pour ceux qui restent à la maison,
l'absence du militaire est une blessure silencieuse, difficile à
partager. La peur, l'angoisse, l'attente. Le soulagement précieux mais
trompeur des conversations vidéo. Le décompte immobile des jours qui
passent.
Dans la voiture qui le conduit au régiment, Éric essuie
les larmes de son fils qui ont coulé sur sa tenue de combat. La gorge
nouée, il se concentre sur la route en réfléchissant à ce qu'il aurait
pu oublier dans son sac. Au loin se dessinent déjà les bâtiments de la
caserne. Le jour se lève.
Source : FigaroVox
Commentaires
Enregistrer un commentaire